Master and Commander

Comme Michel fait allusion au film dans un autre sujet et qu'il connait mon épouse, je lui rappelle qu'elle a toujours refusé de le voir avec moi.

C'est un peu de ma faute. J'aurais pas dû lui dire avant même le générique que le titre était historiquement faux.

Master and Commander, ce n'est pas un grade mais un titre temporaire octroyé à un lieutenant auquel on accorde un commandement pour la durée d'une mission. Ce ne peut être qu'un petit bâtiment non classé comme un cotre ou un brick, jamais une frégate ou un vaisseau qui eux le sont (rated). L'équipage étant peu nombreux, l'officier remplit les deux fonctions de commandant et de maître d'équipage. D'où le nom.

Dans le premier roman de Patrick O'Brian, Jack Aubrey est lieutenant et commande un cotre. Il est bien M&C. Mais dans le film, il commande une frégate. Il est donc post-captain.

Le règlement de 1795 abrège le titre en Commander tout court.

Tu vas me saouler pendant tout le film m'a-t-elle dit. Je reconnais qu'il y avait un gros risque, mais tant pis pour elle !

Elle ne saura jamais que le même règlement de la RN de 1795 modifie les uniformes en introduisant les épaulettes réclamées depuis longtemps par les officiers de marine et supprime les revers d'habit blancs sauf pour les lieutenants.

Elle ne saura jamais reconnaître la grande tenue, full dress, de la tenue de service, undress.



Pas plus qu'elle ne saura que les captains se sont attribués arbitrairement un second galon doré non réglementaire sur leurs poignets d'habits pour se distinguer des commanders.

Ni que c'est logique que l'on puisse voir fugitivement Stephen Maturin lire un bouquin scientifique en français. Dans les écoles de formation des officiers et de chirurgiens, on apprenait la langue de l'ennemi potentiel. En France, l'allemand pour les officiers de terre et l'anglais pour ceux de marine.

Et enfin pourquoi lorsque l'Achéron est à courte distance de la Surprise maquillée en baleinier, Jack Aubrey fait hisser l'Union Flag. C'est le respect des lois de la guerre internationales. En zone ennemie, les navires de guerre, toutes nationalités confondues, ne se gênaient pas pour naviguer sous pavillon neutre ou des alliés de l'adversaire. Mais avant d'engager un combat, ils étaient obligés de hisser le pavillon national à distance réglementaire, faute de quoi le commandant passait en cour martiale et un corsaire se voyait retirer sa lettre de course.

Elle en a loupé des choses, ma femme !  

Un mot sur l'Achéron. Vous savez que c'est un navire fictif et comme vous avez le coup d'œil vous avez reconnu l'USS Constitution bidouillée informatiquement pour ressembler à un navire français. Il n'y aura que trois petits bâtiments appelés Achéron dans la marine française et aucun en 1805, à l'époque où se situe l'action.

Merci Andy 
Superbe renseignement 
HA les ministres de la culture

Merci Andy pour ces précisions passionnantes

Puisque cela vous plait.

Dans la Royal Navy, il y a deux hiérarchies. L’officielle, les grades, et l’officieuse qui consiste à reconnaître les gradés comme gentlemen ou pas.

Pour être officier,  il n’est pas, comme en France sous l’Ancien Régime, nécessaire d’être noble. James Cook, William Bligh, Edward Hamilton (le capitaine de la vraie Surprise) et même Nelson, fils de pasteur, sont des roturiers. Les deux derniers seront anoblis. Tous sont bien sûr des gentlemen. Mais pas qu’eux. Les warrant officers, les maîtres ayant les plus hauts grades, comme le maître d’équipage, le chirurgien-major, le comptable de bord et l’aumônier le sont aussi. Cela leur vaut de faire partie de l’état-major et le privilège de partager la table du commandant, ce que l’on voit dans le film.

Les élèves-officiers, les midshipmen sont aussi des gentlemen, mais si leur position hiérarchique les place au dessus des petty officers, les maîtres de moindre importance, ils sont inférieurs aux warrant officers. Si dans M&C ont voit les deux midshipmen les plus âgés, dîner avec l’état-major, c’est une faveur de Jack Aubrey. Règlementairement, ils ont leur propre mess et ils dorment séparés de l’équipage. Ils ont au minimum 13 ans, 11 pour le fils d'un officier de marine.

L’officier, lieutenant, qui commande les fusiliers-marins, les marines, fait également partie de l’état-major.

Vous remarquerez que les maîtres portent un uniforme. Ce n’est pas le cas en France avant 1804, date à laquelle il est décidé que les marins s’en voient octroyé un.

Un dernier mot sur les grades.

Il y a deux rangs de captains.

Captain. Il a été promu au grade, mais depuis moins de 3 ans et il peut ne pas avoir de commandement.

Post-captain. Trois ans d’ancienneté dans le grade et un commandement.

Suit un autre titre temporaire :

Commodore. C’est un post-captain qui, pour la durée d’une campagne, fait office de contre-amiral, commande une division et a donc d’autres post-captains sous ses ordres. Cela favorise l’accès au grade de contre-amiral.

L’équipage de la Surprise.

Au maximum 200 hommes.



Le format du bouquin ne permettant pas de tout scanner, il y a sur la gauche 35 able seamen (matelots de haute paie) et 50 ordinary seamen (matelots de basse paie)

Très instructif
Quand ont n’y connaît rien toujours un plaisir d’apprendre q-chose

Ben là on apprend plein de choses. 
Après on peut comprendre le refus de l'épouse de  regarder le film...  

En tout cas merci.

Coyote. Mon but ce n'est pas de vous donner des explications sur la Royal Navy, mais de vous fournir un alibi imparable pour regarder le film tranquille, sans vous entendre dire : tu me gonfles avec tes bateaux !

Si tu as envie de revoir un film sur la Bounty, c'est pareil, j'ai de quoi faire fuir Madame.

Merci Andy pour toutes ces informations qui font voir autrement "Les révoltés du Bounty" que l'on devrait appeler "la" Bounty, car en anglais le mot "bateau" partage avec le mot "chat" le fait d'être féminin et non pas neutre.

Tu as raison, mais comme c'est anglais, c'est forcément une règle tordue. On utilise le féminin quand un navire est appelé par son nom quel qu'en soit le genre et ce, tant qu'il est en service ou encore à flot. Mais si il fait naufrage, on reprend le neutre quand on parle de son épave. on dira donc : la Titanic, elle fut lancée le... elle heurta un iceberg... elle coula, il repose par 3 900 m de fond.

En allemand on utilise aussi le féminin, d'où la Bismarck. Si vous trouvez que sa silhouette est féminine, nous n'avons pas les mêmes goûts en matière de filles.

Je ne dirais pas de d'Otto von Bismark qu'il est mon genre de fille, la preuve :



Mais tous les goûts sont dans la nature comme disait la vielle dame qui embrassait la vache