Marine du XVIIIe siècle, hygiène à bord
4 participants
Page 1 sur 1
Marine du XVIIIe siècle, hygiène à bord
Quand on voit ces navires de guerre de haut ou de bas bord sur des tableaux de peintres de marine ou les modèles de l’époque réalisés dans les arsenaux, on se dit « qu’ils sont beaux ! ». C’est incontestable, mais…
On disait des galères qu’on les sentait avant de les voir. Je n’irai pas jusque là pour les autres bâtiments, mais on en était pas loin quand même.
Déjà, sur ces navires en bois, l’humidité règne en maître. Il est, par exemple, impossible d’assurer une ventilation satisfaisante de la cale. La fermentation provoquée par un certain degré d’humidité et de température opère une décomposition des bois qui engendre des champignons qui adhèrent aux pièces de charpente. Cette pourriture dégage une odeur caractéristique de fétidité ammoniacale.
Vous préférez remonter dans l’entrepont ? Moi, j’veux bien, mais ne vous croyez pas sortis de l’auberge.
C’est là que dorment les hommes divisés en deux bordées, les bâbordais et les tribordais. La nuit, quand les uns travaillent, les autres se reposent. Les batteries ne sont aérées que par les sabords et sur un 74, c’est, par bordée, jusqu’à 360 hommes qui s’entassent à touche-touche. On n’est pas non plus dans la Royal Navy où chaque matelot dispose de son hamac, d’un matelas, d’un oreiller, de draps et d’une couverture. Non. Dans la marine française, c’est un hamac, un branle, pour deux, un simple rectangle de toile. On se couche tout habillé et si il a fait mauvais temps, on le trempe. Quand il fait chaud, on y transpire et, dans tous les cas, on s'y relaie. Ajoutons l’haleine et autres odeurs corporelles, un régal olfactif. Tout cela dégage tellement d’humidité, que le matin quand on libère la place, une équipe doit éponger les bois avec des paquets d’étoupe.
Ah, j’allais oublier ! Sur le même pont, il y a le poste des malades, imaginez qu’ils ont la dysenterie, et le parc à moutons. Ça sent aussi un peu le kébab.
Un dernier détail. Les hommes qui sont affectés dans les batteries ne peuvent quitter leur poste. Ils pissent donc avec plus ou moins de bonheur au travers des sabords. Un navire, ça roule et ça tangue. Ce faisant, à la jonction de la muraille et du pont, il y a sous chaque sabord un tuyau en plomb, la pissotière, qui évacue les loupés. Ce qui dégouline le long de la muraille y sèche. On va pas non plus essuyer, faut pas rêver.
Comme il ne faut pas abuser des bonnes choses, je vous réserve pour demain les règles d'hygiène imposées à l'équipage. Vous pouvez remballer votre déo Narta 48 heures et votre gel douche mangue / papaye, ils ne sont pas au programme.
On disait des galères qu’on les sentait avant de les voir. Je n’irai pas jusque là pour les autres bâtiments, mais on en était pas loin quand même.
Déjà, sur ces navires en bois, l’humidité règne en maître. Il est, par exemple, impossible d’assurer une ventilation satisfaisante de la cale. La fermentation provoquée par un certain degré d’humidité et de température opère une décomposition des bois qui engendre des champignons qui adhèrent aux pièces de charpente. Cette pourriture dégage une odeur caractéristique de fétidité ammoniacale.
Vous préférez remonter dans l’entrepont ? Moi, j’veux bien, mais ne vous croyez pas sortis de l’auberge.
C’est là que dorment les hommes divisés en deux bordées, les bâbordais et les tribordais. La nuit, quand les uns travaillent, les autres se reposent. Les batteries ne sont aérées que par les sabords et sur un 74, c’est, par bordée, jusqu’à 360 hommes qui s’entassent à touche-touche. On n’est pas non plus dans la Royal Navy où chaque matelot dispose de son hamac, d’un matelas, d’un oreiller, de draps et d’une couverture. Non. Dans la marine française, c’est un hamac, un branle, pour deux, un simple rectangle de toile. On se couche tout habillé et si il a fait mauvais temps, on le trempe. Quand il fait chaud, on y transpire et, dans tous les cas, on s'y relaie. Ajoutons l’haleine et autres odeurs corporelles, un régal olfactif. Tout cela dégage tellement d’humidité, que le matin quand on libère la place, une équipe doit éponger les bois avec des paquets d’étoupe.
Ah, j’allais oublier ! Sur le même pont, il y a le poste des malades, imaginez qu’ils ont la dysenterie, et le parc à moutons. Ça sent aussi un peu le kébab.
Un dernier détail. Les hommes qui sont affectés dans les batteries ne peuvent quitter leur poste. Ils pissent donc avec plus ou moins de bonheur au travers des sabords. Un navire, ça roule et ça tangue. Ce faisant, à la jonction de la muraille et du pont, il y a sous chaque sabord un tuyau en plomb, la pissotière, qui évacue les loupés. Ce qui dégouline le long de la muraille y sèche. On va pas non plus essuyer, faut pas rêver.
Comme il ne faut pas abuser des bonnes choses, je vous réserve pour demain les règles d'hygiène imposées à l'équipage. Vous pouvez remballer votre déo Narta 48 heures et votre gel douche mangue / papaye, ils ne sont pas au programme.
Andy- Messages : 1809
Date d'inscription : 19/05/2023
Age : 78
Localisation : Nord de l'Oise
Nico42, L'ancien, Coyote et Charles QC aiment ce message
Re: Marine du XVIIIe siècle, hygiène à bord
Les officiers (sur un 74, ils sont 17) sont mieux lotis. Le capitaine-commandant dispose de sa propre toilette, la bouteille tribord, les autres officiers se partagent celle de bâbord. Ils y trouvent une cuvette et un broc pour se laver. Par ailleurs, ils ont à leur service 19 valets (plus ceux du commandant) qui se chargent, entre autres, de la blanchisserie. Ils sont donc proprets, coquets.
Reste l’équipage. 585 gens de mer dont 93 officiers mariniers, auxquels s’ajoutent 118 fusiliers marins et 33 surnuméraires. Pour ces 736 hommes, il n’y a que deux sièges d’aisance en plein air, coincés à l’arrière de la poulaine et pour ceux qui travaillent à poste fixe, quelques bailles. Dans la Royal Navy, les goguenots encadrent le beaupré et sont percés de deux trous. C’est plus convivial, on peut échanger les nouvelles du bord. Pour les urgences, quand le lieu affiche complet, il reste la possibilité de descendre sur les porte-haubans et, se tenant aux galhaubans ou aux rides des haubans, de présenter ses fesses à l'élément liquide.
Règles d’hygiène pour l’équipage.
On leur demande : de se peigner tous les jours, de se laver les pieds régulièrement (sans précision de fréquence) et de changer de chemise une fois par semaine. Ils se font raser par des mousses, généralement le samedi, contre une petite pièce, mais ce n’est pas une obligation réglementaire. Compte tenu du travail très physique des matelots, de la chaleur en zone tropicale, au bout d'une semaine, la chemise tient debout toute seule.
L’eau douce étant une denrée précieuse, on ne peut pas l’utiliser pour laver son linge. Sauf quand il pleut pendant plusieurs jours et que l’on a tendu une bâche dans le petit canot pour récupérer l’eau de pluie. Certains accrochent leur linge à une corde pour qu’elle trempe dans l’eau de mer. Les autres font l’impasse.
Enfin, bouquet final, la dotation en vêtements qu’un matelot doit embarquer, ne comprend pas de sous-vêtements. Certains portent des caleçons longs, d’autres seulement une culotte ou un pantalon doublé de toile à l’entre-jambes. Et les «hardes », c’est le nom officiel de leur paquetage, n’en prévoient que deux pour la durée de la campagne. C’est donc l’illustration de la parodie de Bioman par les Inconnus : force jaune devant, marron derrière, puisque, je le rappelle, le PQ n’existe pas et que seule une corde qui trempe dans la mer à l’aplomb des sièges d’aisance est à disposition de l’équipage pour se torcher.
Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que l’on prendra conscience que l’hygiène contribue à la bonne santé des hommes.
Retenez cela, l'hygiène c'est une question qui revient souvent dans les expos de modèles anciens. Je me souviens d'une au château de Versailles, où j'exposais avec l'AAMM à l'occasion des journées du Patrimoine. Des jeunes filles m'interrogent sur la question. Je leur dis : Vous y tenez vraiment ? C'est bientôt l'heure du déjeuner. Oui oui, allez-y ! Vu leur tête à la fin, je pense leur avoir fait économiser le prix (pharaonique) des mauvais sandwichs proposés par le roi.
Reste l’équipage. 585 gens de mer dont 93 officiers mariniers, auxquels s’ajoutent 118 fusiliers marins et 33 surnuméraires. Pour ces 736 hommes, il n’y a que deux sièges d’aisance en plein air, coincés à l’arrière de la poulaine et pour ceux qui travaillent à poste fixe, quelques bailles. Dans la Royal Navy, les goguenots encadrent le beaupré et sont percés de deux trous. C’est plus convivial, on peut échanger les nouvelles du bord. Pour les urgences, quand le lieu affiche complet, il reste la possibilité de descendre sur les porte-haubans et, se tenant aux galhaubans ou aux rides des haubans, de présenter ses fesses à l'élément liquide.
Règles d’hygiène pour l’équipage.
On leur demande : de se peigner tous les jours, de se laver les pieds régulièrement (sans précision de fréquence) et de changer de chemise une fois par semaine. Ils se font raser par des mousses, généralement le samedi, contre une petite pièce, mais ce n’est pas une obligation réglementaire. Compte tenu du travail très physique des matelots, de la chaleur en zone tropicale, au bout d'une semaine, la chemise tient debout toute seule.
L’eau douce étant une denrée précieuse, on ne peut pas l’utiliser pour laver son linge. Sauf quand il pleut pendant plusieurs jours et que l’on a tendu une bâche dans le petit canot pour récupérer l’eau de pluie. Certains accrochent leur linge à une corde pour qu’elle trempe dans l’eau de mer. Les autres font l’impasse.
Enfin, bouquet final, la dotation en vêtements qu’un matelot doit embarquer, ne comprend pas de sous-vêtements. Certains portent des caleçons longs, d’autres seulement une culotte ou un pantalon doublé de toile à l’entre-jambes. Et les «hardes », c’est le nom officiel de leur paquetage, n’en prévoient que deux pour la durée de la campagne. C’est donc l’illustration de la parodie de Bioman par les Inconnus : force jaune devant, marron derrière, puisque, je le rappelle, le PQ n’existe pas et que seule une corde qui trempe dans la mer à l’aplomb des sièges d’aisance est à disposition de l’équipage pour se torcher.
Ce n’est qu’au début du XIXe siècle que l’on prendra conscience que l’hygiène contribue à la bonne santé des hommes.
Retenez cela, l'hygiène c'est une question qui revient souvent dans les expos de modèles anciens. Je me souviens d'une au château de Versailles, où j'exposais avec l'AAMM à l'occasion des journées du Patrimoine. Des jeunes filles m'interrogent sur la question. Je leur dis : Vous y tenez vraiment ? C'est bientôt l'heure du déjeuner. Oui oui, allez-y ! Vu leur tête à la fin, je pense leur avoir fait économiser le prix (pharaonique) des mauvais sandwichs proposés par le roi.
Andy- Messages : 1809
Date d'inscription : 19/05/2023
Age : 78
Localisation : Nord de l'Oise
L'ancien, Coyote et Charles QC aiment ce message
Re: Marine du XVIIIe siècle, hygiène à bord
Super merci
Charles QC- Messages : 1801
Date d'inscription : 18/08/2021
Age : 71
Localisation : Québec Canada
Re: Marine du XVIIIe siècle, hygiène à bord
A l'heure du dîner :
Bon appétit messieurs dames...
Et merci Andy pour cette page d'histoire navale.
Bon appétit messieurs dames...
Et merci Andy pour cette page d'histoire navale.
_________________
Amitiés,
Nicolas
Homme libre toujours tu chériras la mer (Ch. Baudelaire)
Nico42- Admin/membre du clan des Stéphanois (par adoption)
- Messages : 10281
Date d'inscription : 08/11/2019
Age : 66
Localisation : Sury le Comtal (Loire)
Re: Marine du XVIIIe siècle, hygiène à bord
Le bonjour te va Andy,
toujours la maîtrise du verbe !
toujours la maîtrise du verbe !
L'ancien- Administrateur / animateur bateaux bois
- Messages : 5734
Date d'inscription : 21/03/2020
Age : 82
Localisation : Garges & ch'ti
Sujets similaires
» Vedette du XIX ème siècle l'ELIDIR au 1/26 ème par l'ancien
» Un chebec du XVIIIème siècle en papier
» Langue parlée à bord
» Glossaire de la marine
» Artillerie de marine ancienne, canons
» Un chebec du XVIIIème siècle en papier
» Langue parlée à bord
» Glossaire de la marine
» Artillerie de marine ancienne, canons
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
|
|